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Pierre Corcos pour Artention

 

 

Toujours, cette figure est pareille à elle-même, dans tous les sens. Forme simple, prégnante, équilibrée, orthogonale, elle symbolise en général ce qui est, l'être dans sa parfaite structure, par opposition au transcendant (le créateur ou le possible). Le carré, puisqu'il faut l'appeler par son nom, est convoqué par Miguèle Clémessy dans cet "ordre rigoureux" que la peinture, pour elle-même, constitue.

Clôtures, barres verticales, bandeaux qui oblitèrent... Défense. Solitude. Une petite fille esseulée joue à la marelle, jeu initiatique, quête cosmogonique.

Cependant ici, la palette des tons rompus, des transparences, des roses et des bleus lactés, la sanglante incision d'une ligne rouge, trahissent des émotions échappées magiquement aux structures de l'intelligible.

 

GALERIE DE MENTHON

4, rue du Perche - 75003 Paris

Françoise Monin pour Muséart
 
Le silence en peinture possède une histoire contemporaine. De tous les Morendi à certains Pincemin, en passant par la plupart des Rothko, elle se révèle aussi dans l'oeuvre de Clémessy la solitaire. Appropriation du paysage et de l'objet, détournement des effets de l'atmosphère naturelle et de la géométrie des formes simples... Il faut naître et vivre au grand air pour se passer aussi bien de la figure humaine.
Ancienne élève de Dezeuze, Clémessy combine depuis vingt ans des cadres, des cases, des portes pures et des marelles douces, pour aller "à cloche-pieds de la terre au ciel" et compenser, "comme avec toutes choses peintes, une blessure originelle indicible". Plus surprenante dans sa série des crânes fendus, elle traduit avec éclat les concepts conjugués de douleur et de fragilité. Pour mieux nous rappeler que "l'art n'a rien à voir avec la folie quand bien même elle serait organisée ou intelligente. S'il ne se négocie probablement qu'avec elle, c'est que l'artiste privé de son art devient fou." Clémessy pousse la nécessaire réflexion de l'image dans des schémas et des équilibres sobres et raffinés. Leur appel au calme résonne avec persistance.

Interview de Miguèle Clémessy par Françoise Monin pour Artention

 

1) Pensez-vous que la solitude est une condition nécessaire à la création ? Pourquoi ?

 

La solitude est vitale dans le travail de l'artiste. Elle est son outil absolu et il faut le préserver avec vigilance, comme n'importe quel travailleur doit maintenir le sien en état de bon fonctionnement. C'est aussi grave pour un peintre d'être encombré par une ingestion de désuétudes en tous genres, aphorismes, informations inutiles etc., que pour un mécanicien d'être privé de tournevis ou de bistouris pour un chirurgien. Il y va de la qualité du travail à accomplir. Les situations qui ont une influence dommageable sur la création sont à éviter, absolument.

La peinture se fait dans le silence - le silence implique une solitude en laquelle personne ne peut entrer, sous peine de faire du bruit.

Cette inéluctable exigence est difficile à vivre, mais c'est une condition qui garantit la liberté de l'artiste et sur laquelle il ne peut faire l'impasse. Il lui est seulement possible, lorsque son œuvre a enfin pris forme, de la proposer au monde, d'apporter sa contribution sociale en la présentant, et, à ce moment là seulement, il est bien qu'un public en capacité de ressentir/comprendre/recevoir, soit là.

 

2) D'où vient votre série sur les crânes fendus ?

 

La série des crânes fendus vient, comme toutes choses peintes, d'une blessure originelle indicible qui ne se traduit chez moi, et pour l'instant, que par la peinture.

Elle est un coup de hache reçue par certains enfants, dont le crâne, pour toujours, s'est fendu. Je dénonce ce coup en le peignant.

Les crânes fendus sont, ou bien entourés de liens qui les maintiennent plus ou moins, craquent la plupart du temps, ou bien, ils ont les yeux clos par un fil rouge qui les boucle et intériorise tout en eux -parfois, ils sont casqués jusqu'à mi-nez. Ainsi la douleur est cadenassée.

Pardon pour la dureté de cette réalité métaphorique, mais le thème est si grave.

 

3) Les œuvres plus récentes sont plus paysagistes, plus géométriques, rythmées, et s'inscrivent dans une "famille" (Rothko, Pincemin). Vous sentez-vous des points communs avec eux ?

 

Je n'aime pas que l'on utilise le mot "paysagiste" pour parler de mes tableaux.
La forme, qui semble géométrique, se veut rigoureusement simple, comme trouvée et décidée une fois pour toutes. La forme est un prétexte à peindre. En perdant ses connections avec toute projection figurative, elle se fait oublier pour ne devenir uniquement que le contenant de la peinture elle-même.

La peinture elle-même tient à elle seule le rôle de "l'objet de représentation", du "suggéré".

Il est possible que, entre autres,  par la motivation des formes simples, qui n'est donc qu'une manière de ne rien investir dans la forme, se trouvent des points communs entre le travail de Pincemin ou de Rothko, et le mien. Je souligne pour la petite histoire, que Pincemin démissionne du groupe Support Surface en 73, au moment où Daniel Dezeuze devient mon professeur de peinture à Nice.

 

4) Vous m'aviez parlé de la marelle, pourquoi ce thème vous intéresse-t-il ?

 

La marelle est un jeu qui se pratique à cloche pied, et qui mène de la terre au ciel, sans preuve. Cette idée me transporte et j'en utilise son essence. La constitution figurative de la marelle est une figuration plus symbolique et spirituelle que réelle.

Je n'aime pas les choses, mais l'idée des choses.

La marelle se dessine en plaçant des carrés dans un certain ordre. Le constat, (ou la lecture) de ce dessin, ne m'est apparu(e) que par associations d'impressions.

La complexion initiale de la marelle me convient  puisqu'elle ne comporte que des "formes neutres" qui ne sont pas investies au départ, c'est à dire des carrés respectant ma volonté de ne concéder à la forme qu'un rôle de contenant.

 

5) Peut-on dire que vous avez une peinture de graveur ?

 

Il est exact qu'en peinture je raye, j'écorche ou incise la matière comme on le ferait avec un burin ou une pointe sèche en gravure. Je pense néanmoins, que j'ai plutôt une gravure de peintre qu'une peinture de graveur. Ce qui m'intéresse, c'est le cousinage entre les deux. Ma préférence, en gravure, va vers les techniques modernes (Goethz), le carborundum que l'on peut encrer en couleur, à la poupée ou aux doigts, et qui donne la sensation de peindre, puisqu'en même temps que l'on peut  soustraire de la matière, on peut l'additionner.

 

 

 

Gérard Barrière pour la Gazette de Paris

 

Loin du zapping, contre notre "culture" de l'aperçu hâtif et nos idolâtries des engouements aussi brefs que superficiels, voici une artiste venant à point nommé nous rappeler les vertus du long regard.

 

Son œuvre n'est jamais, à son goût, assez proche des grands silences et de la vaste vacuité. L'espace y est celui d'un dénuement urgent, d'un dépouillement par la lumière et par le plus simple élément du visible.

 

Il faut cet art pour nous réapprendre que l'intensité est lente, qu'il n'est de plus grande violence, certes, que l'espérance, mais qu'elle est immobile, tout au plus frémissante, et que la vraie force renverse sans saccager.

 

Une mince ligne rouge, quelques paysages qui ne sont qu'intérieurs, d'infinies suggestions et subtilités omniprésentes suffisent largement ici à soulever le réel en révélant qu'il n'était pas si lourd que le craignaient nos peurs agitées.

 

Ce qu'elle montre, les moments d'un voyage vers une virginité retrouvée du regard, les simples lieux et balises d'une évidence recouvrée, nous envahit du sentiment bouleversant et rare de complétude.

 

Les mots d'abstraction ou de figuration ne sont pas ici plus pertinents qu'en musique.

 

C'est bien d'une petite musique de l'âme qu'il s'agit.

Gérard Barrière

 

 

C'est à l'âge de neuf ans que Miguèle Clémessy est entrée dans sa passion. Celle de peindre. Et le mot passion est à prendre ici en son sens le plus âpre, presque le plus mystique. La peinture ne fut jamais pour elle, même à neuf ans, un jeu, un agrément, mais une exigence nue, une quête violente, qui lui fit prononcer ses irrévocables vœux d'insatisfaction, d'intransigeance et de solitude.

Son ambition est la plus immense qui puisse être : "si je pouvais ouvrir sur l'art les yeux de seulement deux ou trois enfants, j'aurais l'impression de n'être pas venue au monde pour rien, car l'art, à l'âme lourde, est en même temps la voie par excellence qui mène à l'allégresse."

Jean-Pierre Cousin pour La Marseillaise - expo Villa Noailles

 

Les images narratives de Miguèle Clémessy

 

"Moi, je m'appelle Zazou. Ma maman, ou ma maîtresse, comme vous préférez, s'appelle Miguèle. Elle est peintre et nous sommes inséparables. On ne nous voit jamais l'une sans l'autre dans la vieille ville où nous habitons. Elle aime beaucoup me photographier".
Celle qui dit ça n'est autre qu'une petite chienne au corps gracile et au fin museau. D'une remarquable intelligence, elle sait lire couramment et c'est la seule de la gent canine à être reçue sans problème dans tous les lieux de culture de Hyères.
Les ceusses qui s'intéressent un tant soit peu à la chose artistique auront tout de suite reconnu la maîtresse de Zazou : Miguèle Clémessy, peintre de grand talent qui exposa ses œuvres picturales et ses sculptures en béton à la Tour des Templiers en 2005.
Aujourd'hui, et jusqu'au 4 janvier 2009, c'est dans la prestigieuse Villa Noailles, à Hyères, que le public pourra découvrir une nouvelle facette de la force de création de cette artiste.
Il y a deux ans, elle découvre l'outil informatique et entame, soutenue par quelques proches, une démarche autodidacte pour se l'approprier. "Par désir de liberté, j'ai toujours aimé changer d'outils et de formats", explique-t-elle. Ses premières armes de création informatiques, elle les fait avec un modèle tout trouvé et disponible sept jours sur sept : sa chienne Zazou. Elle mêle photographie et image numérique, parant l'animal de robes extraordinaires ou de tenues extravagantes. Elle définit son travail comme étant des "images narratives". Ce sont surtout des images à rêver, surtout si l'on est môme ou si l'on a su garder en soi une petite part d'enfance. Au fur et à mesure que sa progression dans la maîtrise de ce nouvel outil, la photographie disparaît pour laisser la place à des images entièrement numériques.
L'exposition se compose de trois parties: "Les personnages" (rez-de-chaussée). "Le modèle Zazou", (chambre de Monsieur et chambre de Madame) et, "Les autres animaux", (chambre d'amis). Il est à noter que dans cette dernière pièce, un atelier destiné aux enfants est mis en place. Une grande frise et des images A4 représentant les personnages de Miguèle Clémessy pourront être mis en couleur par les jeunes visiteurs. Comme tous les artistes dignes de ce nom, elle a besoin de partager, de transmettre. Elle espère que cet atelier emmènera certains gosses vers d'autres formes d'art : la peinture bien sûr, mais aussi la musique ou la littérature. "Si l'on a accès à ces trois arts, on a accès à tout" affirme-t-elle. 


Peintre avant tout


De ce travail magnifique et surprenant, en très grand ou moyen format, elle dit : "c'est une parenthèse, ou plutôt un à côté. Je suis peintre avant tout. Dans l'image narrative, tu te laisses aller à l'esthétique, ce que tu ne fais pas dans la peinture. L'image narrative permet la jubilation".
Cette exposition est incluse dans la programmation du Festival de Enfants (vernissage le 20 décembre à 17h30 à la Villa Noailles).


© 2019 by Miguèle Clémessy

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